Christophe Béchu a installé ce 23 février un comité de pilotage ministériel sur l’adaptation au changement climatique. Ce comité, qui s’appuie sur un rapport de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable rendu public ce même jour par le ministre de la Transition écologique, devra travailler sur des scénarios de référence qui feront l’objet d’une consultation publique au printemps et serviront de base à une nouvelle stratégie d’adaptation aux effets du changement climatique prévue pour la fin de l’année.
“2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée dans notre pays. Les incendies et les sécheresses qui en sont nés nous montrent que nous devons agir encore plus vite pour anticiper les risques du changement climatique qui grandissent. C’est pour cela que je veux que la France se dote d’une stratégie d’adaptation basée sur des scénarios de référence de réchauffement climatique pour la France, basé sur ceux du Giec, et y compris des scénarios plus pessimistes que ce que prévoit l’Accord de Paris, a déclaré Christophe Béchu, ce 23 février, en lançant un comité de pilotage ministériel sur le sujet. Loin d’être un signe de défaitisme, il s’agit de se préparer aux différents risques tout en poursuivant inlassablement, en parallèle, nos efforts pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et notre empreinte carbone.”
La nouvelle stratégie”permettra d’harmoniser l’ensemble des politiques publiques d’adaptation afin de prévenir les risques environnementaux, sociaux et économiques encourus dans chaque territoire”, souligne le ministère dans un communiqué. Le comité de pilotage ministériel sur l’adaptation au changement climatique qui associe les principaux services et opérateurs du ministère concernés (Ademe, Cerema, Météo France, IGN) est chargé de son élaboration, à partir de deux scénarios d’adaptation (+2°C et +4°C). L’objectif est de soumettre un document à consultation publique au printemps prochain pour que la trajectoire retenue soit prête en fin d’année, indique-t-on dans l’entourage de Christophe Béchu.
Comparaisons internationales
Ce travail va s’appuyer sur les conclusions d’un rapport de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) que le ministre a rendu public ce jeudi. Cette mission d’inspection, commandée sous le précédent quinquennat par Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, avait pour objet d’analyser les politiques d’adaptation menées dans huit pays (Allemagne, Autriche, Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suisse, Canada et Japon). Une quarantaine d’entretiens ont été conduits, avec les représentants des ministères et collectivités concernés dans les pays étudiés et en France, avec des organisations internationales telles que la Commission européenne ou l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ainsi qu’avec des experts.
La mission portait plus précisément sur le contenu des dispositions législatives, les questions de gouvernance, notamment l’articulation entre le niveau national et les niveaux subnationaux, le contenu des plans nationaux d’adaptation et les différents éléments du cycle de leur mise à jour, notamment l’étude de risques, l’évaluation et les indicateurs. Elle a identifié des méthodes communes à la plupart des pays étudiés, ainsi que les bonnes pratiques par lesquelles certains d’entre eux se distinguent. “Dans tous les pays, y compris la France, l’objectif principal est la mobilisation des acteurs, notamment des collectivités territoriales, qui sont en première ligne, alors même que des efforts importants sont aussi attendus de leur part sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre”, souligne ainsi le rapport.
Besoin de coordination interministérielle
Les recommandations formulées par la mission s’inspirent des constats qu’elle a effectués, tout en tenant compte du contexte français. La mission recommande d’abord que la loi française définisse les grandes lignes du contenu du plan d’adaptation, qui devra désigner les responsables de la mise en œuvre des mesures. La loi devrait également préciser les différentes composantes du cycle de mise à jour, notamment l’étude de risques, l’évaluation et les indicateurs. Enfin, compte tenu de l’importance de l’enjeu, elle devrait mentionner la référence climatique à prendre en compte. En termes d’organisation au niveau national, la mission a constaté l’existence, dans la plupart des pays étudiés, d’une coordination interministérielle structurée et formalisée. Elle conseille donc de “renforcer le pilotage interministériel et de confier des responsabilités explicites, et déclinées dans le plan d’actions rendu public, aux ministères et agences publiques”. Le contenu du plan devrait en outre être étendu à l’étude de l’exposition des populations les plus vulnérables et des territoires à risques et devrait conduire à accélérer les politiques de protection de l’eau et de la biodiversité, ainsi que la prévention des risques naturels.
Plans sectoriels d’adaptation
Des plans sectoriels d’adaptation devraient être élaborés, dans le cadre de démarches lancées par le ministre concerné et le ministre de l’environnement, à l’image du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique et des Assises de la forêt, estime également la mission. Le plan devrait aussi assurer la prise en compte les effets du réchauffement climatique dans les normes et référentiels techniques, notamment ceux des infrastructures et du bâtiment.
La mission recommande que l’étude de risques nationale soit développée parallèlement à l’élaboration du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), “de façon à optimiser le calendrier”, et que l’évaluation de la mise en œuvre du Pnacc soit menée “de façon participative pour contribuer à la mobilisation des acteurs”. Il faudrait également établir selon elle “un jeu d’indicateurs équilibré, comprenant des indicateurs d’impact, reflétant les effets du changement climatique, et des indicateurs de résultats, illustrant les actions réalisées au titre du plan mais aussi leurs effets, lorsque cela est possible”.
Échelle locale
L’échelle de l’action en matière d’adaptation est, pour la grande majorité des sujets (aménagement, transports, eau, habitat…), l’échelle locale”, souligne-t-elle. C’est pourquoi elle juge “fondamental” que l’impulsion donnée par le cadre national de planification se traduise par des outils opérationnels mis à disposition des territoires. Elle a observé dans plusieurs pays, notamment fédéraux, l’existence d’une communauté de travail, parfois installée de longue date, entre l’État et les régions et préconise la mise en place de tels groupes de travail, sur les aspects techniques. Au niveau régional, elle recommande de confier aux préfets le soin de mettre en place un dispositif de dialogue, incluant tous les niveaux de collectivités, “en vue d’assurer la cohérence de l’action territoriale dans la réalisation des études de risques locales, du volet adaptation des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), ainsi que dans la mise en œuvre de ces plans”. Elle a aussi relevé que de nombreux États soutiennent les collectivités locales en mobilisant deux leviers : les incitations financières et l’appui méthodologique et technique. “Cet accompagnement porte notamment sur l’ingénierie nécessaire pour élaborer les études de risques et les plans d’actions, note-t-elle. En France, un tel soutien pourrait être apporté pour la réalisation des études de risques et l’élaboration du volet ‘adaptation’ des PCAET et Sraddet.”
En outre, le centre de ressources mis en place par l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), Météo-France, l’Ademe et le Cerema devrait être développé, en renforçant la cohérence de l’action de ces établissements, pour mettre à disposition des acteurs des outils d’analyse des conséquences du changement climatique, à l’échelle locale, et d’aide à la décision dans l’élaboration des programmes d’action.
Source : site de la banque des territoires