La refonte du régime contentieux des autorisations afférentes aux installations de production d’énergie renouvelable (hors éolien) prévue par un décret paru ce 30 octobre impose notamment un délai d’instruction maximal des recours de dix mois. Un ajustement destiné à maîtriser le tempo de la procédure qui pourrait s’avérer contre-productif.
Alors que les sénateurs entament l’examen en séance du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR), un décret, paru ce 30 octobre, prévoit d’en ajuster le régime contentieux. Le texte précise entre autres que les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel statuent dans un délai de dix mois pour les litiges portant sur les diverses décisions, y compris de refus, relatives à certains types d’installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors éolien) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Concrètement à l’issue de ce délai, le litige sera porté devant la juridiction de rang supérieure. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement utilise ce levier pour accélérer la procédure puisque l’éolien bénéficie quant à lui déjà d’un régime contentieux spécial (suite à un décret de 2018 pour l’éolien terrestre et à un décret de 2021 pour l’éolien en mer).
Installations ciblées hors éolien
Les installations concernées par cette refonte du contentieux de leurs autorisations sont listées par le décret qui fixe en outre certains seuils. Y figurent les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute (à l’exclusion des installations de méthanisation d’eaux usées ou de boues d’épuration urbaines lorsqu’elles sont méthanisées sur leur site de production) ; les installations photovoltaïques à partir de 5 MW ; les gites géothermiques ; les installations hydroélectriques à partir de 3 MW ; ainsi que certains ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité de raccordement des installations de production d’électricité renouvelable et ceux inscrits au schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables. En revanche, l’éolien n’en fait pas partie. Le texte détaille également la liste des diverses décisions intéressées. Notons par ailleurs que le décret s’applique sur une période ciblée, c’est-à-dire “aux décisions prises entre le 1er novembre 2022 et le 31 décembre 2026″. Le texte prévoit un délai de recours contentieux contre ces décisions de deux mois, qui “n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours administratif”, précise-t-il. Enfin, il mentionne que ce délai d’instruction de dix mois peut être suspendu pour un délai de six mois en cas de mesure de régularisation en cours d’instance.
Une portée réduite mais davantage de complexité
Selon le rapport d’activité du Conseil d’État pour 2021, les délais moyens de jugement sont de 9 mois et 16 jours devant les tribunaux administratifs, de 11 mois et 15 jours devant les cours administratives d’appel et de 7 mois devant le Conseil d’État. Pour l’avocat spécialisé en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, il est donc possible que la définition d’un délai maximal de dix mois ait pour effet “un très léger raccourcissement de ce délai, s’agissant du contentieux des énergies renouvelables en particulier”. Cette procédure “toboggan” pourrait au final accroître la complexité de la procédure et, comporter, selon lui, bien des inconvénients pour les porteurs de projets. “Le dessaisissement d’une juridiction au profit d’une autre pourra avoir pour effet que les dix ou vingt premiers mois d’instruction devant le premier juge saisi auront été, en tout ou partie, inutiles”, explique-t-il notamment. “Si l’autorisation querellée est annulée devant le Conseil d’État sans instruction aboutie devant les juridictions subordonnées, son bénéficiaire pourra regretter de ne plus disposer de voie de recours”, ajoute-t-il. Et dans certains cas ce délai de dix mois peut être “contraignant” pour toutes les parties “car trop court”, en particulier pour organiser une médiation et une instruction en cas d’échec de la médiation.
Article de la Banque des Territoires
Référence : décret n° 2022-1379 du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité, JO du 30 octobre 2022, texte n° 41. |