Dans la foulée des textes réglementaires publiés en début d’été, une circulaire du ministère de l’Intérieur, diffusée ce 26 août, délivre le modus operandi de la procédure désormais aux mains des préfets permettant de reconnaître qu’un projet répond à une “situation d’urgence à caractère civil” de façon à l’exempter d’évaluation environnementale et à le rendre éligible à une procédure d’instruction adaptée d’autorisation environnementale.
Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer a rendu publique, ce 26 août, une circulaire précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure d’urgence à caractère civil, qui permet de désigner un projet pour qu’il soit exempté d’évaluation environnementale et bénéficie d’une réduction des délais de certaines étapes de la procédure d’autorisation environnementale. Pour rappel, deux autorités sont compétentes pour décider de l’usage de ladite procédure. Depuis 2016 (ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016 relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes et son décret d’application n° 2016-1110 du 11 août 2016, codifiés aux articles L.122-3-4 et R.122-14 du code de l’environnement), le ministre de l’Intérieur dispose en effet de ce pouvoir dérogatoire permettant, au cas par cas, d’identifier des projets d’installations, d’ouvrages, de travaux ou d’activités, ou parties de projets qui ont pour seul objet de répondre à cette situation d’urgence à caractère civil.
En dehors des événements d’ampleur nationale, les préfets de département sont toutefois “seuls compétents”, par délégation du ministre, pour prendre des décisions autorisant l’usage de la procédure d’urgence à caractère civil, relève la circulaire. Un décret et un arrêté interministériels, publiés le 5 juillet dernier, ont ainsi investi les préfets d’un pouvoir délégué d’exemption en situation d’urgence. Il s’agit d’une décision motivée (éléments constitutifs de l’urgence), dont l’administration a l’initiative “sans que la saisine préalable d’un tiers soit nécessaire”. Cependant, cette procédure peut également “trouver son origine dans la demande spontanée de la part d’un maître d’ouvrage”, remarque le ministère.
Périmètre du projet
La nature du projet pouvant bénéficier d’une application de la procédure d’urgence peut “regrouper un ensemble cohérent d’interventions et de travaux”, à savoir “ceux qui s’appuieraient sur la même évaluation environnementale s’ils n’en étaient pas exonérés, sans préjudice du nombre de procédures d’autorisations afférentes”, indique la circulaire. Le périmètre du projet au sens de l’évaluation environnementale est bien “distinct” de celui des procédures d’autorisation, insiste-t-elle. Autre point important : “seul le fait que ces ouvrages soient non-détachables de ceux éligibles leur permet de bénéficier de cette procédure”. Il en va ainsi par exemple de travaux d’aménagement des accès permettant aux engins de chantier d’accéder à une zone de travaux éligibles à la procédure d’urgence. Autrement dit, l’objet du projet doit conduire à n’y inclure que les travaux ou installations qui visent “exclusivement” à répondre à la situation d’urgence à caractère civil décrite dans les motifs de la décision. Le seul fait qu’ils soient intégrés géographiquement à la zone de travaux éligibles n’est en particulier pas suffisant. En revanche, la temporalité n’est semble-t-il pas un facteur d’exclusion. “Bien que leur seul objet soit de répondre à la situation d’urgence au moment où elle se présente, ces projets ou parties de projets peuvent, après la situation d’urgence, conserver une utilité collective”, justifie le ministère. Par conséquent, ces projets “peuvent ne pas être des équipements ou installations temporaires ou démontables”.
Appréciation stricte de l’urgence
L’utilité du projet aux fins de la réponse à la situation d’urgence est à examiner à l’aune du “principe de proportionnalité”. Les travaux doivent à la fois “être suffisants pour assurer une réponse adaptée, mais aussi nécessaires pour régler la situation d’urgence”. La matérialité de l’urgence est appréciée “strictement”, souligne la circulaire, et ce à partir de plusieurs critères cumulatifs. “Une atteinte majeure et avérée” doit être portée à un intérêt public (sécurité civile, sécurité environnementale, sécurité publique, sécurité sanitaire, etc.), hors de la défense nationale réglée par une procédure distincte. Il ne peut donc être recouru à cette procédure en vue d’anticiper ou de prévenir une atteinte à venir ou pour faciliter les reconstructions, après un épisode cévenol par exemple, sauf s’il s’agit de “prévenir des dommages supplémentaires”.
La distinction est ténue. Il est ainsi légitime de se fonder, souligne le ministère, “sur l’aggravation prévisible d’une atteinte pour déclencher la procédure d’urgence à caractère civil en vue de prévenir cette aggravation”. L’imprévisibilité fait également partie des critères mis en exergue. La circulaire la définit ainsi : la situation “ne pouvait pas être anticipée ou, si elle pouvait l’être, ne pouvait pas faire l’objet d’une réponse plus tôt”, notamment du fait du délai incompressible de la réalisation d’études indispensables à son élaboration. Enfin, l’exonération d’évaluation environnementale ainsi permise doit présenter un intérêt pour la résolution de cette atteinte. “Ce n’est le cas que lorsque les délais de réalisation de l’évaluation environnementale seraient considérés comme incompatibles pour apporter une réponse à l’atteinte identifiée”, précise, le document. En résumé, le mot d’ordre est de gagner du temps.
Exonération de l’évaluation environnementale
C’est bien l’effet recherché. Cette exonération d’évaluation environnementale s’applique “à l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui pourraient s’appliquer en temps normal à ces projets”. Elle n’est toutefois pas synonyme d’exonération d’autorisation environnementale préalablement à la réalisation des travaux visés. Mais les demandes d’autorisation environnementale associées à ces projets sont instruites dans des “délais contractés” prévus à l’article L. 181-23-1 du code de l’environnement. Cet article introduit par la loi Asap entend précisément simplifier les règles relatives aux ouvrages de prévention des inondations et permettre, par une procédure allégée couvrant le champ de l’autorisation environnementale, des interventions plus rapides, en particulier sur les digues, pour garantir la protection des personnes.
Notons que l’exonération d’étude d’impact concerne “toutes les autorisations et procédures”, c’est-à-dire non seulement l’autorisation environnementale mais également la procédure de déclaration d’intérêt général ou d’urgence (DIG-U) ainsi que la procédure de déclaration d’utilité publique (DUP). “L’état initial et l’analyse des incidences du projet doivent être pris en compte dans le cadre fixé par les procédures d’autorisation qui demeurent applicables”, note la circulaire.
Enfin, le ministère revient sur l’articulation de la procédure d’urgence à caractère civil avec d’autres procédures applicable en cas d’événement grave : décisions de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, de l’état de calamité naturelle ou agricole, ou déclenchant des états de crise dérogatoires du droit commun (état d’urgence, état d’urgence sanitaire, état de siège, etc.). Celles-ci “n’emportent aucunement le bénéfice de la procédure d’urgence à caractère civil, pas plus que cette dernière n’a d’effet sur ces procédures”. Toutefois, bien que la prise d’une décision relative à l’existence d’une catastrophe ne constitue pas une condition pour établir l’existence d’une situation d’urgence à caractère civil, le maître d’ouvrage pourra, dans sa demande, faire référence aux décisions relatives à la reconnaissance d’une catastrophe naturelle ou technologique éventuellement déjà prises pour permettre à l’administration dans la phase d’instruction de se reporter aux pièces utiles constitutives de ces dossiers.
source : La Banque des Territoires