Après avoir recueilli 6,5 millions d’euros lors de deux collectes d’investissements citoyens en 2011 et 2012, le fonds d’investissement Energie partagée récidive, en lançant une troisième collecte. “L’objectif est de collecter trois millions d’euros pour financer en fonds propre les nombreux projets citoyens en attente de soutien”, souligne le mouvement. Jusqu’ici, plus de 3.500 souscripteurs ont participé au financement de treize projets dans le solaire, l’éolien, la biomasse ou encore l’hydro-électricité. Plus de vingt projets sont en attente de financement, précise Energie partagée.
De nombreux observateurs soulignent le rôle croissant que devrait prendre le financement citoyen dans le développement des énergies renouvelables. A condition de lever les freins juridiques à ce mode de financement. En janvier 2014, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et l’agence rhônalpine de l’énergie et de l’environnement (RAAE) pointaient du doigt, dans une étude, lesobstacles existants en France : l’encadrement strict par l’Autorité des marchés financiers (AMF) des levées de fonds citoyens et l’impossibilité, pour les collectivités locales, de participer à des sociétés par actions simplifiées (SAS).
Le gouvernement s’est donc résolu à lever ces barrières. Le 30 mai dernier, une ordonnance a été publiée afin de créer un nouveau statut, celui de conseiller en investissements participatifs, et une dérogation au monopole bancaire. Ces dispositions entrent en vigueur ce 1er octobre. Le projet de loi sur la transition énergétique prévoit quant à lui de faciliter les prises de participation des collectivités et des citoyens dans des projets d’énergies renouvelables, afin d’en favoriser l'”acceptabilité locale”.
Ouvertures de capital aux collectivités et aux citoyens
Ainsi, l’article 27 dispose que “les sociétés [commerciales ou les sociétés d’économie mixte locales]constituées pour porter un projet de production d’énergie renouvelable peuvent, lors de la constitution de leur capital, en proposer une part à des habitants résidant habituellement à proximité du projet ou aux collectivités locales sur le territoire desquelles il doit être implanté”. Les coopératives portant un projet dans les ENR peuvent également ouvrir, lors de la constitution de leur capital, une part à des habitants résidant à proximité du projet. Les offres de participation peuvent aussi être initiées par un fonds de l’économie sociale et solidaire spécialisé dans l’investissement dans les énergies renouvelables ou par une société agréée “entreprise solidaire d’utilité sociale”, conformément aux dispositions inscrites dans la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Fait important : le projet de loi exonère ces appels à participation de l’autorisation délivrée par l’AMF. Un visa “qu’il était très difficile et coûteux d’obtenir”,souligne Energie partagée, qui a obtenu ce sésame pour ses précédentes collectes.
L’article 26 vise quant à lui à permettre aux collectivités d’entrer au capital de sociétés par actions simplifiées (SAS), ce qui n’était pas permis jusque-là. Il prévoit en effet que les communes et leurs groupements pourront “détenir des actions d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables par des installations situées sur leur territoire, ou sur des territoires situés à proximité et participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire”.
Une incitation insuffisante ?
Comme de nombreux observateurs, Energie partagée se félicite de ces évolutions. Cependant, l’association regrette que le gouvernement ne soit pas allé plus loin en créant des obligations d’ouverture du capital aux citoyens ou aux collectivités. “Chaque société de projet reste souveraine pour décider ou non si elle faitappel à l’implication des citoyens“, relève-t-elle. Beaucoup d’associations demandaient cette obligation, à l’instar de la Fondation Nicolas Hulot.
Pour aller plus loin, le groupe Europe Ecologie les Verts (EELV) de l’Assemblée nationale a déposé un amendement proposant de majorer les tarifs d’achat lorsque le projet d’énergie renouvelable prévoit une participation du public, et de porter cette majoration à 10% lorsque le projet est développé par les collectivités. “La production d’énergie renouvelable sous forme coopérative en Allemagne fonctionne bien car il y a une lucrativité, raisonnable mais assumée”, rappelle l’exposé des motifs.
Energie partagée demande également aux parlementaires de permettre aux participations dans les sociétés de production d’énergies renouvelables de bénéficier de la défiscalisation accordée aux entreprises solidaires. “Evoqué dans une première mouture”, ce point ne figure pas dans la version finale du projet de loi, regrette l’association. Cela aurait pourtant permis “de donner envie aux citoyens d’investir dans les projets d’énergie renouvelable”.
Sophie Fabrégat© Tous droits réservés Actu-Environnement