La Cour administrative d’appel de Nancy vient de rendre ce 13 février 2014, un arrêt très intéressant : une association s’inquiétait de la fermeture d’une sucrerie et de ses conséquences pour la protection des oiseaux qui fréquentaient des bassins de décantation. Le maintien de l’activité industrielle pouvait-il être exigé par l’Etat ? Réponse négative pour le Juge.
L’industrie et la protection de l’environnement sont souvent opposées, à tort. D’une part, certaines industries sont exploitées dans le strict respect du droit de l’environnement et seules les catastrophes, les accidents retiennent l’attention médiatique. D’autre part, des industries sont indispensables à la protection et à la valorisation de l’environnement.
Dans l’affaire qui vient d’être jugée par la cour administrative d’appel de Nancy, une association célèbre, œuvrant pour la protection des oiseaux, s’inquiétait, à juste titre, de la disparition de certains éléments – des basins de décantation – d’une sucrerie. Ces bassins étaient semble-t-il devenus précieux à la protection d’oiseaux. Or la sucrerie avait fait l’objet d’une cessation d’activité et d’opérations de remise en état avant cession du terrain à un agriculteur, lequel n’a pas souhaite conserver les-dits bassins de décantation.
L’association a donc exercé un recours indemnitaire, estimant que l’Etat autant du prendre les mesures nécessaires à la conservation de ces bassins.
En premier lieu la Cour juge que le préfet ne pouvait légalement imposer une poursuite de l’activité industrielle :
“3. Considérant, d’une part, que [l’association] soutient que, lors de l’arrêt de l’exploitation de la sucrerie, par la société S en 2001 et par la société A en 2007, le préfet des Ardennes aurait dû leur imposer le maintien de l’alimentation en eaux à forte teneur nutritive des bassins de décantation afin d’en maintenir l’attractivité pour les oiseaux qui les fréquentaient ; que ce résultat ne pouvant être atteint que par un maintien de l’exploitation industrielle de la sucrerie, le préfet des Ardennes ne pouvait légalement imposer de telles prescriptions à la société S et à la société A qui souhaitaient cesser leur activité”
En deuxième lieu, la Cour juge que le préfet ne pouvait imposer à l’ancien exploitant une mesure de remise en état tendant à la conservation des bassins, des lors que ce n’est pas ce dernier mais un tiers, nouveau propriétaire du terrain, qui a procédé à cette démolition :
“4. Considérant, d’autre part, qu’il est constant que les bassins de décantation n° 1 à n° 9 de la sucrerie, qui constituaient le biotope des espèces d’oiseaux dont l’association appelante assure la protection, ont été vendus en 2009 à un agriculteur qui les a supprimés n’en ayant plus l’usage ; qu’en application des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 512-39-4 du code de l’environnement, dont l’appelante invoque à juste titre l’application, le préfet des Ardennes ne pouvait imposer ni à la société S, ni à la société A des mesures complémentaires relatives à la remise en état du site, postérieurement à l’arrêt de l’exploitation de la sucrerie, dès lors qu’il n’est pas soutenu que lesdites sociétés auraient été à l’origine du changement d’usage du site et donc de la destruction des bassins de décantation”
Il convient de préciser que l’Etat peut imposer des mesures de police à un exploitant, même après cessation d’activité de ses installations.
Aucune faute ne peut donc être reprochée à l’Etat dans l’exercice de la police des installations classées et sa responsabilité ne peut être recherchée.
Cet arrêt révèle cependant une question que le droit positif ne traite peut être que de manière insuffisante : celle des conséquences des opérations de remise en état elles-mêmes pour l’environnement et la santé.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats