Une équipe de recherche a élaboré des nouveaux indicateurs pour évaluer la réussite d’opérations de restauration. Précision avec Thierry Dutoit, directeur de recherches sur l’écologie de la restauration au Cnrs.
Directeur de recherches sur l’écologie de la restauration au Cnrs
Actu-environnement : Pourquoi élaborer de nouveaux indicateurs ?
Thierry Dutoit : Depuis quelques années, des opérations de restauration écologique des écosystèmes se sont multipliées mais nous ne disposons pas d’évaluations fiables de ces actions.
Tout d’abord, établir un objectif de restauration s’avère très complexe car nous ne connaissons pas toute la biodiversité du lieu : par exemple, l’ensemble des champignons, des bactéries, etc.
Ensuite, nous ne maîtrisons pas les relations et interactions du système.
Enfin, les écosystèmes ont une histoire. Donc pour mesurer l’efficacité de notre action, nous ne pouvons pas le faire à un instant T mais nous devrions le faire sur toute la durée de vie de l’écosystème. Or parfois pour se mettre en place, ils ont besoin de dizaines, centaines voir milliers d’années.
Les évaluations se réalisent donc aujourd’hui seulement à partir d’indicateurs partiels.
AE : Quels sont-ils?
TD: Un premier indicateur est la composition de l’écosystème reconstitué : nous vérifions si elle fidèle à ce que nous voulions, ensuite nous mesurons la richesse en espèces et enfin nous regardons la structure et l’organisation de la communauté.
L’originalité de notre nouvel indicateur est d’intégrer tous ces paramètres : il permet de disposer d’une mesure plus synthétique et nous donne une vision moins partielle moins tronquée que ce que nous avions avant.
AE : Comment se structure ce nouvel indicateur ?
TD: En réalité, l’outil se compose de deux indicateurs : un qui mesure le pourcentage de réussite de restauration ou l’intégrité de la communauté et le second montre ce que nous avons en trop. Car dans une opération de ce type, certaines espèces en profitent. L’indicateur nous informe sur la présence d’autres espèces que celles que nous voulions mais qui finalement ne sont pas présentes ou alors des individus qui sont en trop.
Nous avons réalisé un programme informatique avec un tableau : nous alimentons ce dernier avec des mesures prises sur le terrain : le nombre d’espèce, leur identifiant, etc. puis nous faisons tourner la machine qui nous livre un pourcentage. 100% indiquerait une bonne restauration totale mais cela n’est jamais arrivé pour l’instant.
AE : sur quelles données vous reposez-vous pour faire ce constat ?
TD : Avec cet indicateur, nous avons pu établir qu’il vallait mieux conserver que restaurer. Pour valider notre outil, nous avons travaillé sur des communautés fictives puis ensuite sur deux opérations concrètes initiées dans le sud de la France : l’une la steppe de Crau, dans le département des Bouches du Rhône, et une zone humide, le marais du Cassaîre en Camargue.
Nos résultats avec notre nouvel indicateur intégré montrent que le pourcentage de restauration est encore moins bon que ce que nous mesurions habituellement avec des paramètres séparés.
AE : Quelles suites allez-vous donner à ces travaux?
TD : Nous allons continuer à faire progresser ces indicateurs.
Le milieu présente une hétérogénéité spatiale et temporelle, il faut que nous l’intégrions dans notre indicateur. Pour l’instant, nous comparons des relevés réalisés à un même endroit pour une année bien précise : nous ne disposons pas d’éléments sur les modifications spatiales et le turn- over des espèces dans le temps.
Pour l’instant, nous ne savons pas faire la différence par exemple entre une bactérie et une autre. Donc au lieu d’essayer d’établir des différences “morphologiques” entre deux espèces, nous allons plutôt observer leurs unités fonctionnelles : comment elles se comportent.
Propos recueillis par Dorothée Laperche© Tous droits réservés Actu-Environnement