Si vous ne connaissez pas déjà l’excellent blog d’Arnaud Gossement, voici le dernier article paru :
C’est un peu long, mais complet
A la suite d’une intense polémique et aux termes de l’article 90 de la loi “Grenelle 2” du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, la création d’un parc éolien est désormais soumise à l’obtention d’une autorisation ICPE. Retour sur les conditions d’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure et sur ses conséquences pour le montage des projets en cours.
La première question qui se pose est bien entendu celle de savoir à quelle date les éoliennes seront définitivement soumises au respect des règles de la police des installatios classées. Le droit n’apporte pas de réponse simple à cette question puisque le nouvel article L.553-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue des dispositions de l’article 90 de la loi du 12 juillet 2001 est d’une lecture assez peu aisée.
Le principe est celui selon lequel les projets d’éoliennes qui auront fait l’objet, 1° d’une étude d’impact, 2° d’une enquête publique et 3° d’une délivrance de permis de construire avant entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010, “peuvent être mises en service et exploitées dans le respect des prescriptions qui leur étaient applicables antérieurement à la date de leur classement“
Aprés entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010, ces mêmes installations, qui auront été mises en service au titre de l’ancienne police des éoliennes, seront alors soumises à la police ICPE, comme le précise l’article L.553-1 du code de l’environnement : « Les installations visées au premier alinéa sont, à cette date, soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d’application“.
Obligation de notification. Leur exploitant devra se faire connaître de l’administration :
« L’exploitant de ces installations doit se faire connaître du préfet dans l’année suivant la publication du décret portant modification de la nomenclature des installations classées. Les renseignements que l’exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d’Etat” (cf. art. L.553-1 du code de l’environnement).
Sort des projets éoliens avant la date d’entrée en vigueur du décret de classement ICPE. Le législateur n’a pas souhaité opposer les règles de la police des ICPE aux projets en cours d’instruction à la date d’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010. Cette date n’est donc pas la seule à prendre en compte. L’article 90 de cette même loi fait état de la période transitoire entre l’entrée en vigueur de la loi et celle du décret qui classera les éoliennes dans la nomenclature des installations classées. En conséquence, l’article L.553-1 du code de l’environnement précise désormais :
« Les demandes déposées pour des installations avant leur classement au titre de l’article L. 511-2 et pour lesquelles l’arrêté d’ouverture d’enquête publique a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Au terme de ces procédures, les installations concernées sont soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d’application“.
Partant, les projets pour lesquels l’arrêté d’ouverture d’enquête publique aura été “pris” avant entrée en vigueur du décret de classement des éoliennes au titre de la police des ICPE, seront instruits conformément aux règles de l’ancienne police spéciale des éoliennes. Le classement ICPE des aérogénérateurs suppose en effet l’intervention d’un tel décret de classement en nomenclature puis d’un arrêté qui comportera les prescriptions générales applicables aux éoliennes ICPE.
Les éoliennes : des ICPE soumises à autorisation. Lors des négociations préalables au vote de la loi Grenelle 2, il a souvent été promis que les éoliennes seraient certes soumises à la police des ICPE mais, en contrepartie, au régime de l’enregistrement ou même de la déclaration. Cette promesse n’a pas été tenue et les éoliennes de plus de 50 mètres sont soumises pour leur exploitation à la délivrance préalable d’une autorisation au titre de la police ICPE. Cela, paradoxalement, à un moment où au contraire le pouvoir réglementaire tend à faire descendre nombre d’installations classées du régime de l’autorisation à celui de l’enregistrement.
Les dérogations à la police des ICPE. Si les éoliennes sont désormais soumises au respect des règles de la police des ICPE, elles font cependant l’objet de dérogations, ce qui a pour conséquence de les soumettre à deux corps de règles et à compliquer l’ensemble de leur régime juridique.
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Responsabilité des sociétés mères. L’article L.553-3 du code de l’environnement dispose : “L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ou, en cas de défaillance, la société mère est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site, dès qu’il est mis fin à l’exploitation, quel que soit le motif de la cessation de l’activité”.
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Constitution des garanties financières en début de production : L’article L.553-3 du code de l’environnement dispose :”Dès le début de la production, puis au titre des exercices comptables suivants, l’exploitant ou la société propriétaire constitue les garanties financières nécessaires.”
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Procédure de consignation : L’article L.553-3 du code de l’environnement dispose :”Pour les installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, classées au titre de l’article L. 511-2, les manquements aux obligations de garanties financières donnent lieu à l’application de la procédure de consignation prévue à l’article L. 514-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées.
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Remise en état et démantèlement : L’article L.553-3
du code de l’environnement dispose :”Un décret en Conseil d’Etat détermine, avant le 31 décembre 2010, les prescriptions générales régissant les opérations de démantèlement et de remise en état d’un site ainsi que les conditions de constitution et de mobilisation des garanties financières mentionnées au premier alinéa du présent article. Il détermine également les conditions de constatation par le préfet de département de la carence d’un exploitant ou d’une société propriétaire pour conduire ces opérations et les formes dans lesquelles s’exerce dans cette situation l’appel aux garanties financières. » -
Délais de recours L’article L. 553-4 du code de l’environnement précise que les autorisations ICPE d’éoliennes peuvent être déférées à la censure du Juge administratif :
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1° Par les demandeurs ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où ces autorisations leur ont été notifiées ;
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2° Par les tiers, dans un délai de six mois à compter de la publication ou de l’affichage desdites autorisations.
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Opposabilité des documents locaux d’urbanisme : Désormais : “Les dispositions d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu relatives aux installations classées, approuvées avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, ne sont pas applicables aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent“. En sens contraire, il s’agit aussi, pour le législateur, d’une manière d’indiquer que les dispositions des PLU relatives aux ICPE, approuvées aprés la date d’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 pourront encadrer pour ne pas dire limiter l’implantation d’éoliennes..
Il ne s’agit là que dune partie des nouvelles contraintes mises à la charge des exploitants de projets de parcs éoliens. Il conviendrait également de traiter des Schémas régionaux climat, air, énergie, des nouvelles conditions d’élaboration des Zones de développement de l’éolien, du nombre minimal de mâts, etc…
Ce classement ICPE des installations emporte plusieurs conséquences. En premier lieu, il accroît sensiblement le risque contentieux.
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Tout d’abord, l’exploitant d’un parc éolien devra solliciter une autorisation ICPE qui vient s’ajouter au permis de construire. En conséquence, une recours supplémentaire est possible : celui contre l’autorisation ICPE.
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En outre, le contentieux ICPE étant désormais ancien et trés dense, il est absolument indispensable que les acteurs de l’éolien prennent connaissance trés rapidement des exigences et caractéristiques de cette jurisprudence pour anticiper les risques contentieux les concernant.
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Enfin, il faut avoir présent à l’esprit que nombre d’associations dispose d’une expérience et d’une compétence certaine en matière de contentieux ICPE. L’ancienneté et la densité de cette jurisprudence offrira des “points de prise” potentiellement plus nombreux aux requérants. D’où l’importance d’audits juridiques préalables.
En second lieu, le classement ICPE obligera les porteurs de projets à conduire différemment les procédures d’autorisations.
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Il conviendra tout d’abord de penser l’articulation des procédures : révision du POS, création de la ZDE, permis de construire, autorisation ICPE…
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Il convient également de se préparer aux exigences spécifiques de la police des ICPE, tant pour la composition du dossier de demande d’autorisation d’exploiter (étude de danger..) que pour les étapes de la procédure elle-même comme la consultation du CODERST, par exemple.
Le classement ICPE des éoliennes induit donc un bouleversement important dans la manière de concevoir et d’élaborer un projet éolien. De la part des juristes cela suppose parfois d’aller des berges du droit de l’énergie à celles de la police des ICPE. Pour tous, cela suppose, dés maintenant, de réfléchir à la manière dont ce classement ICPE s’appliquera, aux difficultés qu’il conviendra de prévenir.